Association France Palestine Solidarité - Isère / Grenoble

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AJAMI : film coréalisé par 2 cinéastes de nationalité israélienne, l'un palestinien et l'autre juif.

Sortie en salles : le 7 avril 2010.  A Grenoble : >> Cinéma La Nef <<
 


 Infos AFPS : 

Après avoir reçu le Prix de la Caméra d'or au festival de Cannes 2009, le film a été nominé aux Oscars d'Hollywood, pour la catégorie "films étrangers".
Mais le co-réalisateur Scandar Copti,  palestinien résidant en Israël,  a décliné l'invitation à représenter Israël  à Hollywood.
Il a expliqué à la télé israélienne : " Je ne peux pas représenter un pays qui ne me représente pas."
En effet, les palestiniens vivant en Israël subissent de nombreuses discriminations dans ce pays qui se déclare "Etat juif".
Après cette déclaration, de violentes attaques ont été lancées en Israël contre Scandar Copti et contre le film lui-même. Des attaques provenant à la fois du gouvernement, de l'extrême-droite, et de l'organisme para-gouvernemental "Académie du cinéma israélien".

Ce film, avec des allures de polar, se déroule dans un quartier de Jaffa, Ajami...
Récemment, 2 autres bons films parlant de la ville de Jaffa sont sortis.

- "JAFFA", en 2009, une fictionde Karen Yedaya. L'échec d'une histoire d'amour à cause  de la violence et des discriminations dans la société d'Israël  >> voir ici <<
- "Jaffa, la mécanique de l'orange ". Mars 2010. Un documentaire réalisé par Eyal Sivan, (fermement opposé à la politique d'Israël, son pays d'origine). Comment le colonialisme s'est emparé de Jaffa  et de ses célèbres oranges...  >> voir ici <<

Note : L'AFPS, avec beaucoup d'autres mouvements, participe à la campagne internationale "BDS", (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) .  Ce que nous voulons faire sanctionner, c'est une politique qui se moque du droit, c'est une économie colonialiste, ce sont des crimes de guerre . Cela ne vise en aucune façon l'ensemble des habitants d'Israël...

Vous pouvez donner votre avis sur AJAMI, en commentaires, en bas de cet article.

A lire aussi,  cet article : >> La Nakba continue : nettoyage ethnique du quartier Ajami à Jaffa  <<
 

 L'avis du Monde :  Excellent 

"Ajami" : un film noir jaillit du cœur d'Israël

Ce film est un missile. L'une des démonstrations les plus explosives et stimulantes offertes par une production israélienne pourtant prodigue en la matière. La régularité métronomique avec laquelle s'enrichit ce jeune cinéma d'auteur est décidément impressionnante.

Non moins que la diversité des genres dont il se nourrit : comédie (La Visite de la fanfare, d'Eran Kolirin), drame (My Father, My Lord, de David Volach), chronique sociale (Mon trésor, de Keren Yedaya), film de guerre (Lebanon, de Samuel Maoz), cinéma d'animation (Valse avec Bachir, d'Ari Folman), essai (Z32, -d'Avi Mograbi).

 

Dans cet éventail, les coréalisateurs Scandar Copti et Yaron Shani introduisent avec Ajami deux éléments inédits. D'abord, la nature de leur collaboration, qui associe, pour ce premier long métrage, un Israélien d'origine juive à un Israélien d'origine palestinienne, ce qui n'est pas rien par les temps qui courent. Ensuite, le choix assez audacieux de réaliser un polar, genre laissé en friche par un cinéma auquel le cours ordinaire de la société israélienne donne déjà de l'hypertension. Réunis, ces deux éléments produisent un film électrique, nerveux, inventif, palpitant comme la vie, tranchant comme la mort.

L'action se situe à Jaffa, accessoirement ville des oranges, plus essentiellement cité historique rattachée à l'agglomération de Tel-Aviv depuis 1950, après que la guerre de 1948 en eut vidé la majeure partie de la population palestinienne. Le quartier d'Ajami, qui donne son nom au film, conserve la trace de cette hétérogénéité.

La cohabitation judéo-arabe s'y trouve empoisonnée par un conflit qui n'en finit plus, infectée par des haines sourdes et recuites. Le cadre est idéal pour un film noir. Trois histoires s'y déroulent, s'y entremêlent et s'y dénouent sous le signe de la tragédie.

Chacune porte un enjeu différent autour d'un personnage central. Omar, jeune Israélien d'origine palestinienne, doit avant tout sauver sa peau, après que son oncle eut blessé un membre d'une puissante tribu bédouine spécialisée dans le racket. Non contente d'avoir éliminé l'oncle, celle-ci veut à présent verser le sang du neveu. Aux abois, ce jeune orphelin de père fait appel à la médiation de son employeur, Abu Elias, un restaurateur respecté, notable chrétien de la communauté palestinienne dont il fréquente secrètement la fille, charmante brune emmurée par la loi patriarcale.

Malek, adolescent palestinien de Cisjordanie et ami d'Omar, jouit également de la protection d'Abu Elias, chez lequel il travaille comme grouillot, tandis que sa mère, hospitalisée en Israël, lutte contre une maladie mortelle. Dando, enfin, est un inspecteur de police du quartier, obsédé par la disparition de son frère, un jeune conscrit assassiné par des Palestiniens au retour d'une période militaire.

Là-dessus, il faut avouer l'impuissance des mots à restituer la virtuosité avec laquelle le film file cet écheveau. Tout juste peut-on préciser qu'on y trouve une multitude de personnages secondaires superbement campés, des allers-retours d'une redoutable efficacité dans la chronologie narrative, un gros paquet de drogue qui circule comme la fatalité s'abat sur le monde, des assassinats ciblés, une vengeance qui se trompe d'objet, une abjecte trahison, tout cela produisant de la tension, de l'émotion et de la complexité à revendre.

Ce tableau évoque, en dépit de la grandeur conférée aux personnages, un monde pourri de l'intérieur par les logiques claniques, vitrifié par le repli communautaire, mû par une incontrôlable puissance mortifère.

Cet impact tient pour l'essentiel à deux facteurs. L'influence esthétique des meilleures séries télévisées américaines (type "Les Soprano", "Sur écoute" ou "Breaking Bad"), où la trivialité des personnages le dispute à la sophistication de la forme. Mais aussi une approche de type documentaire, qui associe des acteurs non professionnels, non avertis du scénario, à un tournage chronologique privilégiant les prises uniques.

Ces partis pris produisent, dans un film pourtant très stylisé, un effet de réalisme et de prise sur le vif impressionnant. Comme l'a récemment prouvé Un prophète, de Jacques Audiard, lorsqu'un film de genre parvient à intégrer aussi intelligemment dans ses gènes le contexte sociopolitique qui le sous-tend, cette oeuvre a alors toutes les chances d'être exceptionnelle.

( Le Monde, Jacques Mandelbaum )


 

 Entretien avec les 2 réalisateurs  

Le premier est juif, âgé de 36 ans, et s'appelle Yaron Shani. Le second est palestinien, âgé de 34 ans, et s'appelle Scandar Copti. Tous deux sont de nationalité israélienne. Après avoir fait un court métrage chacun, ils ont écrit et réalisé Ajami, présenté en 2009 à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, et récompensé d'une mention spéciale à la Caméra d'or.


Pourquoi avoir décidé de faire ce film ensemble ?

Yaron Shani : En 1998, j'étais étudiant à Tel-Aviv et j'avais un scénario que je voulais tourner à Ajami. Mais j'étais étranger à ce quartier, à ces histoires, et j'attendais de trouver quelqu'un qui puisse écrire avec moi. En 2002, alors que je dirigeais un festival de films d'école à Tel-Aviv, on a fait venir des gens de Jaffa pour réaliser des courts métrages pour le festival. Scandar en a fait un. C'est comme ça qu'on s'est rencontré.

Quel était le stade de développement du scénario ?

Scandar Copti : C'était la même structure, mais ça se passait à Tel-Aviv. Il n'y avait pas un seul personnage arabe.

Quelle est la spécificité de ce quartier ?

Y. S. : C'est un petit melting-pot de gens qui viennent de mondes totalement différents. Vous voyez là non seulement des divisions entre religions, mais aussi entre Palestiniens qui sont citoyens de l'Etat et palestiniens de Cisjordanie, vous avez des criminels qui vivent au même endroit que des avocats, des gens très riches et des gens très pauvres... La diversité est étonnante, l'endroit est très clivé ; il y a énormément de problèmes sociaux et politiques, beaucoup de violence...

Cela déborde la question du conflit israélo-palestinien ?

S. C. : Je dirais plutôt que la réalité d'Ajami en représente le coeur même, plus que la Cisjordanie et Gaza. Il faut avoir en tête que le conflit remonte à 1948, pas à 1967. D'une ville de 100 000 personnes, Jaffa n'en comptait plus que 1 800 en 1948. Tous les autres sont venus de l'extérieur, avec leur propre morale, leur propre vision du monde. C'est ainsi que vous trouvez dans le même immeuble un juge et des dealers de drogue qui se connaissent depuis l'âge de 2 ans.

Après mai 1948, les Israéliens ont rassemblé tous les Palestiniens et les ont parqués dans une zone entourée de barrières, avec des gens amenés de l'extérieur avec qui n'existait pas le moindre lien social. Cela créait beaucoup de tensions entre les gens, qui ont été obligés, parfois, comme l'a été mon grand-père, de partager leur appartement avec une famille d'émigrés juifs bulgares. C'était la loi martiale. Pour travailler, il fallait un permis... Cet état d'oppression constant s'exerçait sur une toute petite communauté, pauvre aussi - ma famille s'est vu confisquer 100 acres de terrain pour faire un kibboutz. On a détruit la culture : il y avait neuf journaux à Jaffa, zéro après 1948 ; quinze cinémas, zéro après ; les boîtes de nuit, les écoles, tout a été fermé... Cela crée beaucoup de tension, de colère, mais surtout une absence d'espoir. La manière facile de faire de l'argent, c'est vendre de la drogue. C'est comme cela que les gens tentent de s'en sortir. Ensuite, la haine nourrit la haine, et les divisions les divisions.

L'homme qui entre dans le café et tire sur tout le monde, c'est une réalité à Jaffa ?

S. C. : Oh oui, mais pratiquement tout ce qui se passe dans le film est réel.

Comment a été produit le film ?

S. C. : On a eu de l'argent du fonds de soutien israélien et le reste est venu d'Allemagne. Le plus dur a été de convaincre l'équipe de nous suivre : le scénario était difficile à comprendre, et l'idée que l'on avait de faire le film avec des non-acteurs et de ne pas leur donner le scénario effrayait beaucoup de gens. On choisissait des acteurs qui avaient le même vécu que leurs personnages. Un des flics du film a été flic pendant seize ans : il sait mieux que nous ce que c'est.

Y. C. : On leur a enseigné l'art de l'improvisation. On a travaillé avec eux pendant un an, sur des situations de fiction, jusqu'à ce qu'ils se sentent totalement à l'aise avec la caméra, qu'ils ne jouent plus la comédie.

S. C. : Ce n'étaient pas des répétitions, mais une manière de construire leurs personnages, leurs histoires. On modifiait le scénario en fonction de la manière dont s'inventaient les personnages. Ainsi, dans le film, lorsqu'ils rient, c'est parce que quelque chose les fait vraiment rire, pas parce que je leur dis de rire. Quand le tournage a commencé, on ne leur a rien dit. On se contentait par exemple de dire à un acteur : "Nettoie la table." Et soudain on faisait entrer sa mère. Alors il dit : "Salut maman !" Celle qui joue sa mère sait que son chien est mort, mais lui ne le sait pas. En revanche, il connaît son chien, il a beaucoup joué avec lui, avant qu'on lance le film, même si ce n'est pas son vrai chien. Alors, quand la mère lui apprend que l'animal est mort, la magie opère, par l'émotion réelle, spontanée, qu'éprouvent les acteurs.



07/04/2010

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