Association France Palestine Solidarité - Isère / Grenoble

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"A week in Gaza" (mai 2008) 3 / 6 - Le siège de Gaza met l'agriculture sous pression

En mai 2008, Rory McCarthy, journaliste de The Guardian, a publié une série de reportages "A WEEK IN GAZA", donnant la parole aux "anonymes"  soumis au blocus.

(On peut aussi voir des reportages-vidéos réalisés pendant cette semaine, sur le site de The Guardian) 

Une semaine à Gaza, par Rory McCarthy (3/6) -  The Guardian, 13 mai 2008

Le siège de Gaza met l'agriculture sous pression

Razzaq Abid Ouda affronte les intimidations par des combattants palestiniens, les autorités israéliennes, et les conséquences du blocus économique de la bande de Gaza

Ouda Razzaq Abid

Razzaq Abid Ouda, agriculteur, dans son champ à Beit Lahiya, dans la bande de Gaza. Photo: Martin Godwin

Le champ est planté de rangées de maïs arrivant à hauter d'épaule et est si proche d'Israël que le grand mur d'enceinte en béton est bien en vue, ainsi que les jeeps militaires israéliennes qui patrouillent régulièrement au nord de la bande de Gaza.

Pour Razzaq Abid Ouda, 40 ans, qui exploite ces terres, cela crée des complications particulières . Son champ est parfois utilisé par des miliciens palestiniens pour tirer des roquettes ou des mortiers sur le sud d'Israël et l'armée israélienne effectue de nombreuses opérations, de sorte que les agriculteurs n'osent pas prendre le risque de sortir la nuit de peur d'être atteint.

 

Le mois dernier, après l'utilisation du champ par des miliciens pour une attaque à la roquette, l'armée israélienne a envoyé des bulldozers blindés qui ont taillé de larges sentiers au milieu de son maïs, mis les cultures à terre et détruit les longs tuyaux d'irrigation en plastique. Ensuite, un bulldozer a démoli la cabane de ciment abritant les pompes à eau qui se trouvait à un angle du terrain. Razzaq, encore lourdement endetté par l'insuffisance de ses cultures précédentes de fraises, n'a pas d'argent pour réparer la pompe, du coup, cette saison, avec le maïs à mi-maturation,est déjà perdue.

Il crtique aussi bien les Israéliens que les combattants armés, un signe de l'importante, et peut-être croissante, frustration dans la Bande de Gaza à l'égard des groupes armés qui continuent leurs attaques contre Israël. "Les militants armés nouus font beaucoup de tort '', dit Razzaq. "De nombreuses fois, nous avons essayé de leur parler, mais ils n'ont fait que nous menacer "

Une fois Ouda et ses voisins agriculteursont essayé d'arrêter un combattant qui était sur leurs terres, filmant une attaque à proximité. Ils ont saisi sa caméra et l'ont éloigné. Quelques minutes plus tard, un important groupe d'hommes en armes est arrivé, ils ont récupéré la caméra et ont mis en garde les agriculteurs pour qu'ils n'interviennent pas de nouveau. "Ce fut une très mauvaise journée pour nous '', explique Razzak. "Malheureusement, les combattants savent les conséquences qu'ils ont sur nous, mais ils n'en tiennent pas compte. Ils sont très jeunes, ceux qui sont dans la lutte armée, mais ils sont payés pour cela."

 

Même sans les militants armés et les raids israéliens, c'est un très mauvais moment pour être agriculteur dans la bande de Gaza. Le secteur agricole est un pilier de l'économie de Gaza mais il est tributaire des exportations et de l'importation de semences, d'engrais, de pesticides et de matériaux d'emballage.Pourtant, Israël a organisé un resserrement du blocus économique de la Bande de Gaza, qu'il appelle un «territoire hostile». Toutes les exportations ont été interrompues et les importations sont limitées à un nombre restreint de biens humanitaires.

La Banque Mondiale estime que, conséquence directe du blocus, les deux plus grandes productions d'exportation de l'agriculture de Gaza - les œillets et les fraises - ont chuté l'an dernier de plus de 6 millions de dollars chacunes. Aujourd'hui, du fait de la pénurie de carburant agricole, les pompes et les puits sont nombreux à ne plus fonctionner, laissant les cultures dépérir et causant l'augmentation des prix des produits alimentaires (le prix des tomates dans la ville de Gaza a été multiplié par 6).

 

En septembre dernier, Ouda a semé ses ses champs en fraises, comptant sur la chance et sur la réouverture dess points de passage et afin d'obtenir des ses cultures un bon rendement. C'était un pari coûteux : les passages sont restés fermés et quand ils ont été brièvement ouverts spécialement pour la fraise à l'exportation vers l'Europe, il y avait de tels retards que la production s'est gâtée et Ouda a vendu à perte. Sur le marché local, les fraises sont vendues pour seulement un dixième de leur prix à l'exportation, ce qui fait que Razzak doit encore 30 000 dollars pour cette saison.

Pendant qu'il discute, un acheteur arrive avec un cheval et une charrette pour négocier une réduction de prix réduire sur ce qui reste de maïs afin de l'utiliser comme fourrage pour animaux. Après plusieurs minutes de tractations ardues, Ouda vend le maïs pour 400 shekels (£ 60), une culture qui lui a coûté plus de 3000 shekels à semer et à entretenir, calcule-t-il..

 

''Je ne suis pas content de ça, mais je tiens m'en débarasser'', dit-il. C'est la première fois dans sa vie d'agriculteur qu'il vend une récolte comme fourrage. Maintenant, il doit compter sur ses maigres économies pour nourrir sa femme et ses six enfants, dont le plus jeune a à peine trois semaines, jusqu'au retour de la saison agricole d'automne.

Razzal Abid Ouda travaille la terre, mais ne peut pas se permettre de l'acheter - un dunam de terrain, 1000 mètres carrés, se vend au moins pour 12 000 livres anglaises. Il est né ici, à Beit Lahiya, dans le nord de la bande de Gaza, et a suivi par correspondance un cours de géographie d'une université égyptienne, dans l' espoir de devenir enseignant. Mais c'était à l'époque où Israël maintenait encore une totale occupation militaire et administrative de la Bande de Gaza, avec des milliers de colons et de soldats déployés dans la bande - tous ceux qui travaillaient pour l'Etat [d'Israël] risquaient d'être désignés comme collaborateur. Alors,à la place, il a travaillé en Israël comme un ouvrier agricole, avec un salaire raisonnable. Cela s'est terminé en 1994, lorsque les règles pour les permis de main-d'oeuvre palestinienne ont changé et lorsque Razzak été considéré comme trop jeune pour entrer en Israël. Depuis, il cultive les champs d'autrui, dans le nord de la bande de Gaza.

 

Pendant un certain temps à la fin des années 1990, les agriculteurs de Gaza ont prospéré, jusqu'en 2000 et le début de la deuxième Intifada, le soulèvement palestinien, qui a entraîné l'accentuation du conflit et plus de restrictions. Razzak n'est pas un partisan du Hamas - il a voté pour le mouvement rival, le Fatah , aux élections d'il y a deux ans. Il parle des défaillances du Hamas, mais il critique aussi la manière dont les factions se sont été enfermées dans l'entretien des conflits internes.

Le Hamas a pris le contrôle et imposé la sécurité, mais d'autre part, le siège nous opprime vraiment et ils ne pourront rien faire à ce sujet", explique-t-il.

"Nous voulons simplement nous concentrer sur notre vie. Dans la Bande de Gaza, tout le monde veut que les points de passage soient ouverts et respirer librement.''

Traduction : Laurent G., article original : http://www.guardian.co.uk/world/2008/may/13/gaza



17/12/2008

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