Ziad Medoukh, à Gaza : "Personne n'est à l'abri d'être tué ou blessé." 12/03/12
Gaza : "personne n'est à l'abri d'être tué ou blessé"
Ziad Medoukh, chef du département de français de l'université Al-Aqsa de Gaza, poète, livre son analyse pour Metro sur le quotidien des Gazaouis lors des bombardements de l'armée israélienne
Comment avez-vous vécu le début du raid israélien, jeudi ?
On a été surpris par l’agression israélienne qui a touché un leader du mouvement de résistance. Mais les bombardements ont aussi touché des civils : femmes, enfants, vieillards compris. Il y a eu 23 morts et 65 blessés dont 11 activistes. Parmi eux, il y a aussi trois écoliers, trois personnes âgées et deux femmes. La finalité de l'agression est de casser la volonté à résister de la population gazaouite malgré le blocus et les nombreuses difficultés sur place.
"Six heures d'électricité par jour"
Comment ce raid influence-t-il la vie quotidienne des Gazaouis ?
Cette escalade de violence arrive à un moment difficile pour nous. Le blocus a été allégé depuis un an et demi mais n’est pas levé. Depuis deux semaines particulièrement, il y a des coupures d’électricité car la seule centrale électrique de Gaza a été endommagée par les bombardements. Chaque foyer dispose de seulement six heures d’électricité par jour. On a aussi des problèmes de carburant car les stations d’essence sont vides. Les élèves vont à pied pour rejoindre leurs universités et leurs écoles. A tout ceci s’ajoute la fermeture totale des frontières. Les Palestiniens s’adaptent, persistent. Nous n’avons pas le choix à cause du silence complice de la communauté internationale. Les révolutions arabes auraient pu faire bouger les choses mais en fait, elles les aggravent.
Pourquoi ça ?
Le Printemps arabe a fait naitre de l’espoir à Gaza. Mais le blocus n’a pas bougé. Israël veut prouver que c’est sa main, et sa main seule, qui décide dans la région et que malgré les révolutions dans le monde arabe, personne ne peut réagir pour dénoncer les agressions contre les civils. Ce contexte est important pour comprendre le choix de la date de l'agression.
Que voulez-vous dire ?
Ce choix n'est pas innocent. L’armée israélienne veut lancer un message aux Palestiniens : ˝la réconciliation des Palestiniens devra passer par Israël qui décide de votre sort". Par ailleurs, Israël provoque la partie la plus faible (la bande de Gaza) pour voir comment vont réagir l’Iran et ses alliés dans la région comme le Hezbollah libanais et la Syrie. Il ne faut pas oublier qu’Israël prépare une nouvelle guerre contre l’Iran.
"Ces agressions sont devenues banales"
Quel est l'état d'esprit des Gazaouis ?
La population a une grande force morale. D’une certaine façon, ils ont l’habitude. Depuis cinq ans, nous vivons une situation instable. D’abord le retrait militaire israélien, les élections, la division Fatah/Hamas et enfin l’opération Plomb Durci en décembre 2008, janvier 2009. Ces agressions sont devenues banales. Personne n’est à l’abri d’être blessé ou tué puisque l’armée touche aussi des civils. Il n'y a pas d'abris contrairement à Israël, où les gens peuvent descendre quand il y a des attaques de roquettes venues de Gaza. Les Gazaouis s’adaptent à leur contexte donc la vie continue normalement, malgré les problèmes économiques et les agressions.
► Ziad Medoukh est l'auteur de Gaza, Terre des oubliés, terre des vivants Editions L'Harmattan- 70 poèmes- 200 pages.
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