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Un ex-diplomate US à bord de la Flottille pour la Liberté... (2-06-10, 16h)

L'opinion américaine divisée sur le blocus de Gaza

 LE MONDE 02.06.10 | 14h34 

 

New York Correspondant

Parmi les activistes capturés par l'armée israélienne lundi 31 mai, lors de sa récente opération en Méditerranée contre la flottille humanitaire qui se dirigeait vers Gaza, se trouvait Edward Peck. Agé de 81 ans, cet ancien diplomate américain a été directeur adjoint de la lutte antiterroriste à la Maison Blanche sous la présidence de Ronald Reagan.

La veille, Malcolm Hoenlein, président de la Conference of Presidents, équivalent communautaire américain du CRIF, nous disait "ne pas être inquiet. Lorsque les Américains connaîtront les faits réels, tout le monde aura compris qu'il s'agissait d'une provocation"

Edward Peck, ancien diplomate américain qui a participé à la     flottille pour Gaza, manifeste devant la Maison Blanche le 1er juin     2010, après avoir été expulsé d'Israël.

REUTERS/KEVIN LAMARQUE

Edward Peck, ancien diplomate américain qui a participé à la flottille pour Gaza, manifeste devant la Maison Blanche le 1er juin 2010, après avoir été expulsé d'Israël.

Dès mardi, Israël s'est empressé de libérer M. Peck. L'affaire symbolise les difficultés actuelles de la "communication" israélienne, y compris aux Etats-Unis : comment présenter un tel homme comme un suppôt d'Al-Qaida ? Jusqu'à présent, "le monde a entendu presque uniquement la version israélienne. Les problèmes vont s'alourdir lorsque les humanitaires relaxés présenteront leur version", pronostique Daniel Levy, porte-parole de JStreet, un groupe pro-israélien de gauche qui entend contrer aux Etats-Unis le lobby officiel, l'American Israel Public Affairs Committee (AIPAC).


Dans quelle mesure la réprobation internationale que suscite l'opération israélienne peut-elle modifier la réflexion de l'administration Obama et celle de l'opinion américaine sur la nécessité d'un blocus de Gaza ? Et éventuellement changer le regard porté sur le mouvement islamique Hamas, inscrit par Washington sur la liste des organisations terroristes ?


Directeur d'études au Washington Institute for Near East Policy (Winep), un groupe de réflexion très proche de la diplomatie israélienne, David Makovsky se veut lui aussi confiant. La résolution que les Etats-Unis sont parvenus à faire adopter au Conseil de sécurité, mardi, est la meilleure que Jérusalem pouvait espérer, note-t-il. Elle ne comporte aucune condamnation exclusive d'Israël, pas d'appel à la levée du blocus de Gaza ni de soutien à une enquête internationale indépendante. "L'administration Obama, conclut-il, a décidé de ne pas se laisser dévier de l'essentiel : le processus de paix. Son attitude dans cette affaire montre qu'elle a compris que rien ne se fera si un fossé se creuse entre elle et Israël."
Daniel Levy est moins confiant : "L'appareil de communication d'Israël est dix fois plus gros qu'il y a vingt ans, or l'érosion de son image, bien que lente aux Etats-Unis, y est continue. A un moment, l'effet cumulatif fera sens, surtout si les gens découvrent que l'image qu'ils se faisaient d'Israël ne correspond pas à la réalité."
Ainsi, les médias américains se montrent-ils compréhensifs, mais aussi sceptiques vis-à-vis du point de vue israélien. Lundi, le correspondant de la chaîne MSNBC détaillait longuement la thèse de l'Etat juif : les activistes sur les navires ont été les agresseurs. Mais il concluait : "Tout cela n'explique pas pourquoi l'armée a attaqué la nuit et en plein milieu des eaux internationales." Mercredi, après avoir précisé qu'il n'avait "aucune sympathie pour les motivations des membres de la flottille", l'éditorial du Washington Post ajoutait : "Cependant, la menace qu'ils représentaient pour Israël était politique, pas sécuritaire." Et de conclure au "fiasco" de la stratégie israélienne.
Selon M. Levy, un débat "dur" oppose, au coeur de l'administration Obama, les soutiens à la stratégie israélienne du blocus des Gazaouis pour isoler le Hamas - "elle compte de farouches partisans", assure-t-il - à ceux pour qui ce blocus est contre-productif. "Que George Mitchell, l'envoyé spécial au Proche-Orient de l'administration, n'y ait pas mis les pieds en dix-sept mois a abouti à un désastre. Toute la logique américaine au Proche-Orient va être réexaminée. Jusqu'à quel point ? Il est trop tôt pour le dire."


Spécialiste de la région au Brookings Institut, Bruce Riedel estime, quant à lui, que l'affaire ne modifiera pas l'attitude américaine envers le Hamas. Mais, ajoute-t-il, "M. Obama est conscient que le blocus israélien est devenu illégitime aux yeux de l'opinion internationale. Cela va accroître son dilemme". Dilemme qu'il définit ainsi : depuis son discours du Caire, la position des Etats-Unis s'est effondrée dans l'espace musulman. M. Obama doit la rehausser. Il ne peut pas non plus perdre l'allié turc, très remonté contre l'Etat juif. "Jamais Israël n'a été à ce point mis en difficulté à l'OTAN. Le siège de la population de Gaza était une absurdité stratégique dès le premier jour. Le poursuivre mène à une impasse certaine." Pour M. Riedel, le paradoxe de l'opération israélienne aura été de renforcer la prise de conscience de cette impasse.


Enfin, selon l'ancien conseiller de Bill Clinton, Robert Malley, les proches de M. Obama confient que le président, à la Maison Blanche, est "celui qui est personnellement le plus troublé par le sort qu'Israël réserve aux Palestiniens de Gaza". Cependant, si l'administration est consciente de ce que "la situation joue en faveur du renforcement de l'influence islamiste", Gaza ne constitue pas sa priorité. L'important reste d'obtenir des "gestes israéliens " substantiels envers le président palestinien Mahmoud Abbas.

Dans le meilleur des cas, poursuit M. Malley, Washington peut évoluer et chercher à "obtenir d'Israël la fin ou l'allégement du blocus sans modifier l'attitude politique vis-à-vis du Hamas. Mais cette évolution ne serait pas innocente : elle impliquerait pour les Américains un changement de logiciel".

Sylvain Cypel

Le Monde , article paru dans l'édition du 03.06.10.



02/06/2010

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