Association France Palestine Solidarité - Isère / Grenoble

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Silwan, chaudron de la colère des Palestiniens de Jérusalem-Est (Le Monde, nov. 2010)

Silwan, chaudron de la colère des Palestiniens de Jérusalem-Est

LEMONDE

Silwan (Jérusalem)

 Chaque jour, peu après midi, des détachements de police prennent position aux carrefours d'Al-Bustan, au coeur du quartier de Silwan à Jérusalem, plus précisément aux abords de la "tente de protestation".

Depuis février 2008, les résidents en ont fait leur quartier général pour renforcer la mobilisation contre la politique d'urbanisation du maire de Jérusalem, Nir Barkat, qui a pour effet d'étendre la colonisation israélienne à Jérusalem-Est.
Midi, c'est l'heure de la sortie des écoles : chaque jour ou presque, les gamins de Silwan renouent avec le jeu dangereux qui consiste à caillasser les voitures des colons et de la police. Cette "révolte des pierres" des adolescents est-elle, sur un mode mineur, de même nature que celle de 1987 ? C'est ce qu'affirme Fakhri Abou Diab, le responsable du quartier : "Il y a un début d'Intifada à Silwan, qui pourrait se propager à l'ensemble de Jérusalem, assure-t-il. Les enfants du quartier entendent dire que les Israéliens vont venir démolir leur maison. Parfois, la nuit, des soldats forcent la porte. Alors, la journée, ils lancent des pierres. C'est leur façon d'exprimer leur colère."
Le tollé international provoqué par la décision du gouvernement israélien d'autoriser un important programme de constructions dans la colonie d'Har Homa et le grignotage maison par maison de Silwan illustrent le même phénomène : la politique continue des autorités israéliennes d'étendre leur contrôle au-delà de la "ligne verte" - celle de l'armistice de 1949 - par la multiplication des faits accomplis.


C'est ce qui fait de Silwan un chaudron prêt à exploser. C'est un quartier de maisons basses, avec ses ruelles escarpées en mauvais état, qui occupe le fond de la vallée du Cédron, entre les remparts de la Vieille Ville et le mont des Oliviers. A Silwan, qui détient le record de pauvreté et de chômage de la partie orientale de la ville, habitent 55 000 Palestiniens et 500 Israéliens. Eparpillés sur une quinzaine de sites, ceux-ci vivent une existence étrange, protégés par la police, des gardes privés (payés sur les fonds publics), des barbelés et des caméras de sécurité.
C'est leur choix : les enfants se rendent à l'école et les mères vont faire leurs courses en convois protégés. Ces "îlots", souvent identifiés par des drapeaux israéliens, ont été créés grâce à l'action d'une très riche organisation sioniste, Elad, qui, de concert avec la municipalité, s'efforce d'exproprier les maisons palestiniennes.
David Beeri, le patron d'Elad, est un ancien commandant adjoint de l'unité Duvdevan (les forces spéciales chargées d'infiltrer les milieux palestiniens). Il travaille main dans la main avec la municipalité, le département des fouilles archéologiques, du tourisme et des parcs nationaux, ainsi que le Fonds national juif. L'action d'Elad rejoint celle d'Ateret Cohanim, une autre organisation rattachée au mouvement des colons et qui s'est spécialisée dans le rachat de maisons palestiniennes dans le quartier musulman de la Vieille Ville de Jérusalem.
Elad et Ateret Cohanim utilisent des prête-noms palestiniens pour reprendre des maisons ensuite attribuées à des colons. Par précaution, ces transactions sont conclues lorsque le vendeur et sa famille sont à l'abri à l'étranger. Car ils risquent la peine de mort.
Mais l'arme favorite d'Elad, c'est l'application du "droit de la propriété des absents" aux termes duquel l'Etat devient propriétaire de la maison de tout Palestinien qui était physiquement absent du territoire en 1967 (lorsqu'Israël a annexé Jérusalem-Est). La même loi permet aux juifs propriétaires de maisons ou de terres de Jérusalem-Est avant 1948 d'obtenir leur restitution.

 

 

Carte datant de février 2007.  Pour agrandir, clic-gauche sur l'image.

 

Les services gouvernementaux ont récemment dénoncé une explosion de constructions illégales palestiniennes à Jérusalem-Est, en particulier à Silwan : 130 aujourd'hui contre seulement 13 en 1967. Du coup, les amendes et les avis d'expropriation se multiplient. Que Silwan se soit développé dans l'illégalité n'est pas niable, mais Fakhri Abou Diab s'insurge : "Il est impossible à un Palestinien d'obtenir un permis de construire : moins de 100 permis ont été accordés depuis 1967 !"
Muna Hasan, porte-parole du centre d'information de Wadi Hilweh (un quartier de Silwan) dresse un constat similaire : "Nous payons 100 % des impôts locaux, pour recevoir moins de 2 % des services municipaux : le ramassage des ordures est épisodique, il existe une seule école secondaire et aucun terrain de jeux pour les enfants !"
Les menaces s'accumulent sur Silwan, dont le sous-sol l'objet de fouilles archéologiques destinées à retrouver les vestiges de la cité du roi David. Autant de prétextes à des expropriations.
Elad est directement impliqué dans ces travaux, dont le vaste projet lancé par le maire, avec le soutien du gouvernement, dit du "jardin du Roi (Salomon)" : pour réaliser ce parc à thème biblique, il est envisagé d'exproprier et de raser une bonne partie des quartiers Al-Bustan et Wadi Hilweh. D'ores et déjà, 22 maisons ont reçu des avis d'expropriation. "La destruction de ces 22 maisons, corrige Fakhri Abou Diab, va entraîner celle de quelque 80 autres. 1 500 habitants sont concernés."
Alors qu'une partie des habitants d'Al-Bustan vivent dans la hantise d'être chassés de chez eux, les enfants de Silwan s'enfoncent dans la "révolte des pierres". De juillet à octobre, la police a recensé une moyenne de quatre caillassages par jour. Pour y faire face, elle multiplie les arrestations et assigne à résidence les enfants de moins de 12 ans, qui ne peuvent être envoyés en prison.

 

Laurent ZecchiniArticle paru dans l'édition du 17.11.10



18/11/2010

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