Association France Palestine Solidarité - Isère / Grenoble

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Denise Hamouri, la mère française de Salah, témoigne et lance un appel à M. Sarkozy.


Article paru le 6 avril 2009, dans L'HUMANITE
L'arrestation de Salah
« Aujourd'hui, 3 avril 2009, mon fils, Salah Hamouri, est en prison en Israël depuis 1 485 jours. Tout a commencé le 13 mars 2005. Salah a été kidnappé par les forces d'occupation israéliennes (FO), en plein après-midi, alors qu'il se rendait à Ramallah. J'ai été prévenue par le coup de fil d'un ami qui avait vu Salah menotté, les yeux bandés, monter dans une voiture de l'armée. Avec mon mari, nous avons pensé de suite : "Ils vont l'emmener au Moskobieh", la vieille prison sinistre de Jérusalem où se déroulent les interrogatoires.
C'est là qu'il avait déjà passé deux mois, en isolement, alors qu'il avait à peine dix-sept ans, parce qu'il avait collé des affiches. Deux heures après son arrestation, le quartier où nous habitons, à Jérusalem-Est, a été bouclé et notre appartement fouillé de fond en comble, jusqu'aux toilettes, sans oublier le disque dur de l'ordinateur. Malgré cette mise à sac de notre appartement par des soldats israéliens, ceux-ci n'ont rien trouvé. Et moins ils trouvaient, plus ils s'énervaient… Mais il est vrai que nous avions affaire à l'armée "la plus morale du monde"… Ils sont partis, finalement, en emportant des posters du Che !

La période la plus difficile de cette détention, qui dure depuis plus de quatre ans, a commencé. Pendant les premières semaines, personne ne pouvait voir le prisonnier, ni sa famille ni l'avocat. Il était au secret, on ne savait pas ce qu'il se passait… on n'osait pas imaginer… les jours sont comme des années et les nuits sont blanches. Salah a toujours été très discret sur les interrogatoires subis lors de sa première détention. Beaucoup d'anciens prisonniers palestiniens n'aiment pas parler de ces moments insupportables, de mauvais et humiliants traitements.
Une fois ou deux, un représentant du consulat a pu rentrer le voir très vite et me donner quelques nouvelles. Puis, interdiction d'y aller… par mesure de sécurité.
Nous avons réussi à le voir une fois, pendant une audience, quinze jours après sa détention. Je n'oublierai jamais cette image de Salah, pieds et poings liés, hirsute, la mine défaite, entouré de soldats prêts à lui sauter dessus au moindre geste. Nous avons eu la permission de le voir de loin, une seule minute, sans parler, ni faire de signes. Puis, nous avons dû sortir, avec l'avocate, en le laissant là. Le 17 avril 2005, nous avons appris, par la presse israélienne, que Salah était accusé d'avoir comploté contre le rabbin Ovadia Yossef, avec deux autres complices soi-disant membres du FPLP. À partir de ce jour, nous avons dû faire des allers-retours au tribunal militaire israélien d'Ofer, où Salah a été condamné, le 17 avril 2008, à sept ans de prison. Ofer, qui se trouve en plein coeur de la Cisjordanie… Il était aux mains d'un tribunal militaire israélien on ne peut plus clairement d'occupation. »

Article paru le 7 avril 2009
Le « plaider coupable » made in Israël
« S'il est en prison, c'est qu'il a dû faire quelque chose. » Ceci est la réaction normale de toute personne quand elle entend que quelqu'un est derrière les barreaux. Et si on lui dit que le prisonnier a choisi de « plaider coupable », c'est donc qu'il est coupable… C'est clair comme de l'eau de roche. En Palestine, la situation est très différente et peut paraître parfois compliquée vue de l'extérieur.
Voici tout d'abord un extrait de l'acte d'accusation contre Salah : « Le 10 avril 2008, les parties ont présenté un accord négocié (sic) aux termes duquel l'accusé reconnaissait l'arrêté d'inculpation modifié et les parties sont tombées d'accord (sic) sur une peine incluant un emprisonnement effectif d'une durée de sept ans. » Comment un tel « accord » est-il possible ? C'est incroyable pour quiconque vit dans un État de droit, même en apparence…
C'est que Salah, comme 95 % des prisonniers politiques palestiniens, a suivi les conseils de son avocate. Il a « accepté » cet « accord négocié » pour éviter d'avoir une peine plus sévère pouvant aller jusqu'à quinze ans de prison comme cela lui a été clairement présenté. Ou tu « plaides coupable et c'est sept ans, ou bien ce sera le double ». Cela, en bon français, s'appelle un chantage.
Il faut ajouter que cet « accord » a été proposé après trois années passées devant les tribunaux militaires sans qu'aucun jugement ne soit rendu puisqu'il n'y avait aucune preuve. Pour faire bonne mesure, la France s'est contentée de demander que Salah soit jugé « rapidement », reconnaissant de facto une juridiction illégale d'occupation, sans demander aucunement qu'il soit libéré à la différence notable de Shalit et d'autres.
Quand, le jour de la dernière audience, le juge militaire lui a demandé ce qu'il avait à dire, Salah a simplement déclaré être d'accord avec son avocate. Il n'a rien dit de plus. Il n'a présenté ni excuses ni regrets au juge, ce qui a un peu « dérangé » madame Rama Yade, qui a écrit dans un courrier : « Le juge a relevé que monsieur Hamouri n'a exprimé aucun regret et l'a condamné a une peine de sept ans de réclusion. »
Madame Rama Yade n'a pas été troublée par l'injustice, la méthode israélienne utilisée et la sévérité de cette peine de sept ans. Mais elle aurait trouvé normal et nécessaire que Salah, en plus de s'accuser faussement, baisse la tête devant un représentant de l'occupation ! « Excusez-moi de ne pas accepter votre occupation ! », en somme. Salah et les autres prisonniers politiques palestiniens ne s'inclineront pas devant l'occupant, madame la secrétaire d'État aux Droits de l'homme ! Résister est un droit humain, fondamental et imprescriptible. Dois-je vous le rappeler ? Eh bien, c'est fait !

Article paru le 8 avril 2009
Les mots de la force occupante
Quiconque est de bonne foi et admet ce fait qui est reconnu internationalement selon lequel l'État d'Israël est une « force occupante » ne peut reprendre à son compte les mots qu'il utilise, sauf à s'en faire complice, volontairement ou non.
Pourtant que n'ai-je lu ou entendu !
Le tribunal militaire qui a condamné Salah est situé à Ofer, prenez une carte et vous le constaterez : Ofer se trouve à quelques kilomètres de Ramallah, en plein coeur de la Cisjordanie. Un tribunal militaire israélien installé en pleine Cisjordanie, cela devrait être un fait suffisant pour qu'il soit admis que c'est bien un tribunal d'occupation qui ne peut en aucun cas procéder d'un État de droit. On ne peut à la fois occuper le territoire d'un peuple et juger ce peuple ! Ce tribunal est donc illégitime en son principe. Pourtant j'ai lu, sous des plumes qui n'étaient pas des moindres, qu'on ne pouvait interférer dans le processus qui s'est abattu sur mon fils au titre « du respect de l'indépendance » de la justice israélienne…
Le tribunal militaire israélien installé à Ofer porte ce titre officiel : « tribunal de Judée ». Et, en France, des personnalités importantes, eu égard à leur titre, ont repris ce terme : tribunal de Judée. La Judée, c'est le nom donné et le vocabulaire utilisé par l'occupant israélien, preuve formelle qu'il n'admet pas l'existence d'un État palestinien, de cette partie de la Palestine historique qui ne lui appartient pas et qui s'appelle la Cisjordanie et non pas la Judée, qui n'existe plus depuis des milliers d'années.
Nous habitons Jérusalem-Est. Et Salah, notre fils, est franco-palestinien. Je suis française. Mon mari est palestinien. Mais quand on habite Jérusalem-Est et qu'on est palestinien, on n'existe pas en tant que tel. Puisque Jérusalem est annexée par la force occupante. Tout Palestinien vivant à Jérusalem ne possède pas de papiers d'identité portant mention de sa nationalité, il possède une carte de résident de Jérusalem, il n'est ni israélien ni palestinien. Il n'est « rien ». C'est pourquoi, bien que l'annexion de Jérusalem-Est par Israël soit condamnée par l'ONU, il n'y a jamais de libérés palestiniens hiérosolymites (habitants de Jérusalem) quand il y a des libérations sur décision politique, et non judiciaire, des autorités israéliennes.
De sorte que Salah, à qui on dénie une partie de sa personnalité et la dimension palestinienne de sa double nationalité est, en droit, uniquement français. Être hiérosolymite est donc un mot qui cache bien des maux, ceux provoqués par l'occupation. Tout le monde sait cela ici. Pas à Paris ? Les mots de la force occupante se répandent dans bien des esprits…

Article paru le 9 avril 2009
 


La balle est dans votre camp

Le 6 novembre 2007, M. Nicolas Sarkozy déclarait : « J'irai chercher les Français où qu'ils se trouvent… J'irai chercher ceux qui restent quoi qu'ils aient fait… Ceux qui ont fait des choses bien mais aussi ceux qui ont fait des erreurs, cela peut arriver à tout le monde. » Une telle conviction m'aurait presque redonné un peu d'espoir puisqu'à cette époque Salah était en prison depuis plus de deux ans. J'avais déjà interpellé les autorités françaises, mais je me heurtais à des portes closes tandis qu'elles s'ouvraient toutes grandes pour les parents du soldat franco-israélien Gilad Shalit.

Depuis, avec l'aide et le soutien de nombreux amis du droit et de la justice qui refusent le deux poids, deux mesures, nous continuons de nous battre pour que Salah et ses 11 000 camarades détenus en Israël ne tombent pas dans l'oubli. Nous continuons à demander une intervention efficace de la France pour obtenir la libération de Salah.
Je peux comprendre l'émotion de M. Sarkozy face à la situation de Gilad Shalit puisqu'il s'intéresse à tous les Français où qu'ils soient. Mais apparemment cela ne concerne ni la Palestine ni les Franco-Palestiniens. Je comprends la douleur des parents de Gilad Shalit. Mais nos deux fils, qui vivent des situations différentes, méritent une égale attention des autorités. Les demandes de rendez-vous des membres du comité de soutien ou de moi-même ont été rejetées par l'Élysée, alors que le père de Gilad Shalit y a été reçu trois fois. M. Sarkozy fait même de la libération de Gilad une « affaire personnelle ».
Salah est un jeune homme de vingt-quatre ans qui devrait être à l'université. Il a été condamné par un tribunal militaire installé en Cisjordanie à sept ans de prison, alors qu'il n'a rien fait d'autre que de résister pacifiquement à l'occupation. Or résister à une occupation étrangère est un droit imprescriptible ! Qu'il s'agisse de Gilad Shalit, mais aussi d'Ingrid Betancourt, des animateurs de l'Arche de Zoé ou encore de Florence Cassez, tous ont vu leurs proches ou leurs amis être reçus par le président. Tous, sauf pour un seul et unique cas : celui de mon fils ! Pourquoi ? Je ne supplie pas et ne supplierai pas le président. Je lui demande par contre de respecter chacun avec une égale attention. Ma douleur n'est pas moindre que celle des autres. Il a mon numéro de téléphone et celui des amis du comité de soutien. Il a le choix : ou de composer ces numéros, ou de se déconsidérer. La balle est dans son camp…

Article paru le 10 avril 2009
Quel joli nom : humanité !
On comprendra que je tienne aujourd'hui, et en tout premier lieu, à remercier, en mon nom mais aussi au nom de toute ma famille et de Salah qui est informé de tout, le journal l'Humanité dans son ensemble. Nous remercions ses reporters, en particulier Pierre Barbancey, et son directeur, Patrick Le Hyaric, qui m'a fait l'honneur et l'infini plaisir de m'inviter à la dernière Fête de l'Humanité où je l'ai rencontré et où il m'a donné la chance de parler sur la scène centrale le dimanche après-midi.
Merci Patrick, permettez-moi de vous appeler par votre prénom ! Je sais tout ce que vous faites pour mon fils qui n'a qu'une hâte au sortir de son calvaire : venir lui aussi à la Fête remercier toutes celles et tous ceux qui le soutiennent ! Merci pour ce que vous réalisez, avec ce journal qui porte si bien son nom, pour les prisonniers palestiniens, pour Marwan Barghouti, mais aussi pour votre engagement pour la cause palestinienne. Mes voeux sincères et mon soutien vous accompagnent dans vos entreprises. Mes remerciements s'adressent également à toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés, venant de tous les horizons, pour Salah et qui depuis le début ne lâchent pas prise et multiplient les initiatives. Je pense ici au Comité national de soutien à Salah Hamouri, qui mène un combat obstiné que je tiens à saluer. Quel réconfort pour notre famille que de recevoir, jour après jour, des courriels qui m'annoncent telle ou telle initiative. Par exemple l'envoi de cartes postales anniversaire à Salah où, en prison, il aura vingt-quatre ans le 25 avril prochain. Par exemple encore, dans mon « pays » de Bourg-en-Bresse où ce sont 600 personnes de cette ville, de toutes les couleurs politiques, qui se sont déjà regroupées pour Salah.
Ce soutien qui fait chaud au coeur est plus nécessaire que jamais. Car aujourd'hui, en plus de l'attitude tiède et souvent méprisante des autorités françaises, c'est maintenant en Israël la droite extrême qui domine. Ses volontés ne font aucun doute quant à la Palestine et la paix. Ils ne veulent ni de l'une ni de l'autre. Le rabbin Yossef Ovadia, du parti Shass, est dans ce mouvement, il coule des jours heureux. Mon fils ne lui a rien fait tandis que lui a pu dire, sans que cela ne lui soit reproché, que « les Arabes étaient des vipères qu'il fallait exterminer à coups de missiles ». Ce combat qui passe par un incontournable : briser le mur du silence, un mur de plus, qui entoure le sort de mon fils. Ce mur est comme sa seconde prison.
Ensemble nous le ferons tomber ! J'ai confiance. Et j'en suis sûre : Salah viendra vous remercier en personne à la prochaine Fête de l'Huma !




10/07/2009

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